Fléac est la 11ème ville de Charente à célébrer l’anniversaire de la Loi de 1905 en plantant un arbre de la Laïcité après Angoulême (2009), Cognac (2010), Soyaux (2011), La Couronne (2012), Ruelle (2013), Gond-Pontouvre (2015), Champniers et Benest (2016), Mouthiers (2017) et Saint-Sornin (2018).
Malgré la météo défavorable, une grosse centaine de personnes étaient présentes dont Thomas Mesnier, député de la Charente (voir son tweet), Agnès Bel et Samuel Cazenave, conseillers généraux.
Ci-dessous l’excellent discours de Guy Etienne, Maire de Fléac, qui a parfaitement retracé l’esprit et les enjeux de cette manifestation.
Chers élus, chers concitoyens, chers amis.
Je veux vous dire toute la solennité qui m’habite mais aussi le plaisir d’être avec vous ce matin, devant l’Hôtel de ville de Fléac pour inaugurer l’arbre de la laïcité.
Je voudrais avant tout remercier les enfants et les enseignants, ainsi que les associations pour le travail qu’elles mènent au quotidien en faveur de la laïcité. C’est à leur initiative que nous avons pu organiser cet événement.
Cette plantation d’un arbre de la laïcité au cœur de notre petite ville sera donc un des derniers actes du Conseil Municipal que j’ai eu l’honneur de présider pendant deux mandats. Peut-être en sera-t-il le symbole le plus fort.
Si aujourd’hui, plus souvent que des arbres de la liberté, nous plantons des arbres de la laïcité, c’est que tous nous sentons que cette valeur a besoin d’être réaffirmée dans la France Républicaine. Pourquoi un arbre pour célébrer ce principe de notre république qu’est la laïcité dont il est tant question aujourd’hui, comme vous le savez.
J’aimerais rappeler la force symbolique que représente l’arbre dans notre imaginaire collectif. C’est d’abord un témoin de la permanence de la vie, du temps qui passe, des saisons. Après les premiers bourgeons, les feuilles mortes. On connaît des chênes centenaires, des oliviers millénaires.
L’arbre est aussi un lieu à lui seul, un point fixe, presque un phare. En Afrique les villageois se retrouvent sous l’arbre à palabres, pour discuter. Saint Louis rendait la justice sous un chêne. Le cèdre à lui seul, présent sur le drapeau national, symbolise le Liban.
C’est encore un symbole de protection. Les parties de pétanque profitent de l’ombre des platanes, qui bien souvent aussi bordent nos routes. Leurs racines préviennent du ruissellement des eaux, évitant bien des inondations.
Tout au long de notre histoire l’arbre a été utile aux hommes ; pour nourrir les animaux, bâtir des maisons, fabriquer des navires, outils et autres meubles.
Symbole de beauté aussi que tous ces arbres aux formes et couleurs innombrables, refuges des oiseaux qui en assurent la musique.
J’aimerais terminer en disant que pour moi, l’arbre ressemble beaucoup à l’homme. Comme lui, c’est un être vivant, comme lui il peut vivre seul ou en tribu. Quand ils vivent ensemble, tel un peuple, les arbres forment une forêt. Là, toutes les espèces se côtoient, vivent proches les unes des autres malgré leurs différences. Si les groupes humains pouvaient s’en inspirer ! Apprendre à se côtoyer, à se connaître, à se tolérer. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler aux hommes et non pas aux arbres les principes essentiels de notre laïcité. Je pense d’abord à nos enfants, ces jeunes pousses, qui formeront la communauté de demain, tant il est vrai que la liberté de l’homme se construit dès l’enfance.
Rappelons-nous tous que déjà au XVIIIème siècle, dans un célèbre passage de Zadig, Voltaire avait déjà montré que les religions n’étaient séparées que par des rites, des traditions, des récits et des interprétations qui ne résistaient ni au temps, ni à la géographie, ni au cours de l’histoire mais qui, hélas pouvaient conduire aux pires violences. Zadig appelait à les dépasser
Le législateur du début du XXème siècle a prolongé la pensée de Voltaire ; il a osé dire que les religions relèvent de l’incertain et ne sauraient donc entrer dans l’univers objectif où se trouvent, entre autres, les valeurs républicaines. Cette séparation, définitive et salutaire, n’est pas un apartheid : il faut la voir comme une protection, une garantie et une exigence. Ramenées à la sphère privée, comme on dit aujourd’hui, elles sont libres, entièrement libres, sûres de s’y pouvoir épanouir sans jamais perdre de vue qu’elles doivent toutes s’accepter, se retrouver, s’aider, se comprendre et respecter les principes intangibles et non négociables de la République.
Bref, à Antigone qui, chez Sophocle, tenait tête à son oncle et roi Créon en lui disant qu’en- dessus des lois des hommes, il y avait d’autres lois supérieures relevant de l’immatériel, je préfère l’image de notre Président de la République accueillant les représentants des monothéismes pratiqués en France pour un dialogue apaisé et une unité spirituelle sous l’égide de la laïcité républicaine.
Nous voilà donc devant cet arbre, tous animés par la conviction que je viens d’essayer de vous décrire.
Mais cet arbre est aussi une réponse à un souhait du Conseil Municipal des Enfants. Il va grandir à son rythme et un jour dépassera, au propre comme au figuré, les pauvres mortels que nous sommes. Il sera le témoin silencieux des inquiétudes de notre génération et surtout, je fais le vœu que les générations prochaines comme les anciens Grecs écoutant les chênes de Dodone, verront dans le murmure de son feuillage, le rappel discret mais têtu, que la laïcité figure au premier rang des valeurs républicaines et qu’il ne faut jamais attenter à la liberté de penser, au respect de l’autre, à l’égalité républicaine.
Ce feuillage sera donc là pour dire à chacun des Fléacois du futur :
« Et toi, que fais-tu pour la laïcité ? ».
Guy ETIENNE, Maire de Fléac